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Cet équilibre permet la créativité, la résolution de problèmes, le progrès, le changement et la satisfaction qui optimisent, par ailleurs, la performance. L'enjeu du maintien professionnel est dès lors vital, tant pour l'individu que pour l'organisation dans laquelle il travaille. Cet état d'équilibre requiert une dose de stimulation qui soit optimale, étant entendu que la sous stimulation se traduit par de l'ennui, de la fatigue, de la frustration et de l'insatisfaction, tout comme la sur stimulation conduit à la détresse et à l'épuisement (Gmelch, 1983).

Au niveau conceptuel, envisager l'obsolescence et l'épuisement professionnel comme deux symptômes d'un même processus est audacieux. Le paradigme du maintien au travail a également le mérite de mettre en lumière un mal-être au travail dont on parle encore assez peu : l'obsolescence. L'obsolescence, au même titre que l'épuisement professionnel, est pourtant source de danger, tant pour l'organisation que pour le travailleur. Ce qui le décrit le mieux semble être le préfixe « dé » comme dans désabusé, déphasé, démotivé, décalé (Limoges 2001).

Au niveau opérationnel, deux recherches exploratoires associant inventaire d'épuisement professionnel et questionnaire d'obsolescence ont été effectuées. Leurs résultats confirment qu'au sein d'une population à risque, près de la moitié des travailleurs peut être identifiée «en maintien» et évite les écueils liés à l'épuisement et à l'obsolescence (Caron 1999, Langouche 2004). La dernière recherche de Lamarche (2006) évalue aujourd'hui le maintien professionnel en termes de degré et de styles de maintien professionnel. Par ailleurs, l'exploration des profils de maintien en lien avec la taxinomie des stratégies de gestion de la vie au travail proposée par Caron (1999) nous ouvre une réelle perspective d'action. Les stratégies de maintien mises en place par les sujets diagnostiqués en maintien sont accessibles à tous : le maintien professionnel est proactif et éducable.

Si rien ne prouve à ce stade que le maintien professionnel soit une condition suffisante de bien-être psychosocial au travail, nous faisons l'hypothèse qu'il en est une condition nécessaire, les sujets identifiés en non maintien présentant des indices significatifs d'épuisement et/ou d'obsolescence.

Si être bien au travail ne va pas de soi, améliorer son niveau de bien-être au travail semble possible et la qualité du maintien évaluée en termes de degré et de styles de maintien professionnel pourrait susciter des interventions tout au long de la carrière (Lamarche 2006).

IV. Maintien et mobilité : vecteurs de bien-être psychosocial

Maintenir un choix de façon adéquate, consiste à assurer une interaction saine et équilibrée entre l'individu et l'environnement. Le bien-être qui y est associé n'est pas un état et encore moins un constat (Limoges, 2001).

Sur le marché du travail, les nombreuses interactions en jeu réfutent toute idée d'un état statique ou d'un équilibre assuré une fois pour toutes. L'aspect dynamique du modèle du maintien au travail reflète la non permanence de cet équilibre (Lamarche, 2006). Il incombe autant au travailleur qu'à son environnement de permettre cet équilibre et d'être attentif à l'entretenir. Les recherches liées au développement du paradigme du maintien professionnel révèlent que les travailleurs interagissent sans cesse avec leur environnement et entreprennent de multiples actions afin de maintenir leurs choix professionnels, jour après jour, année après année. Ils se déplacent le long des axes considérés (obsolescence et épuisement) et, si bien s'orienter en carrière est essentiel, maintenir un choix qui a du sens, tout au long de sa vie en emploi, l'est tout autant. Lorsque le sens du maintien s'estompe ou disparaît, la mobilité doit être envisagée. Nous retrouvons ici l'importance de la dimension éveil mental au sens d'activation (Warr, 1999).

Parallèlement, le modèle classique dominant de la carrière hiérarchique ascendante s'est enrichi du courant des boundaryless careers (Arthur et Rousseau, 1996) traduits par les termes carrières nomades (Cadin, Saint-Giniez, Pringle, 2000). Ce terme évoque, entre autres, qu'une carrière se développe aujourd'hui au-delà de frontières organisationnelles strictes basées sur des fonctions et des hiérarchies. Il révèle également que les frontières entre le travail et le non travail sont devenues moins rigides. Dans ce contexte, la majeure part de responsabilité dans la gestion de sa carrière revient au travailleur lui-même. Il doit être capable de réfléchir sur lui-même, d'évaluer ses propres forces et faiblesses, et de demander de l'aide si nécessaire. Il s'agit pour lui de rester employable. Ce nouveau type de carrière nomade, responsabilise le travailleur quant à la prise en charge de son bien-être propre, bien-être qualifié, par ailleurs de subjectif (Diener, Seligman et Csikszentmihaly, 2000). Dans cette perspective, le bien-être est une construction qui évolue avec le développement de la personne et de son milieu de travail.

Le paradigme du maintien professionnel porte un éclairage nouveau sur la gestion de la vie au travail et de la carriérologie. En action, nous avons allié techniques de sensibilisation aux enjeux du maintien, outils de diagnostic individuel et techniques d'accompagnement spécifiques à chaque état de maintien ou besoin de transition. Les outils et techniques d'accompagnement des travailleurs développés par Limoges et al. (2004, 2006) pour chaque tiers de carrière se révèlent opérationnels. Nous constatons dans notre pratique que les travailleurs et leurs responsables s'approprient facilement les enjeux mis en scène et se mobilisent rapidement. Ils activent ou réactivent leurs dimensions éveil et plaisir et affirment leur job engagement lorsque le maintien prend sens ou découvrent leur besoin de transition et entament une démarche de mobilité. Tous s'impliquent dans le processus et expriment, à l'un ou l'autre moment de celui-ci, une augmentation de leur satisfaction.

V. Conclusion

Le paradigme du maintien professionnel permet au psychologue du travail praticien d'aborder simplement les questions essentielles relatives à la gestion de vie au travail de chaque individu tout en s'appuyant sur les recherches récentes dédiées à la qualité de vie et au bien-être psychosocial au travail.

Les outils d'accompagnement du maintien professionnel développés par Limoges et al. (2004, 2006) permettent d'adopter une méthodologie d'intervention souple et efficace. Ils apportent à chaque travailleur la possibilité de faire le point sur sa carrière, de faire évoluer si besoin la vision qu'il a de son univers de travail et de se mobiliser. Porteur de mieux-être au travail, le paradigme du maintien professionnel est un vecteur d'amélioration du bien-être psychosocial au travail.

En tant que psychologue du travail, disposer de ce cadre d'intervention augmente notre marge d'action potentielle et nourrit la réflexion scientifique sur le fonctionnement humain optimal dans un cadre professionnel.

Références

Livre et chapitre de livre :
Caron, Z. (2001). Les stratégies de maintien carriérologique. In J. Limoges (dir.), Stratégies de maintien au travail (p. 111-127). Sainte-Foy : Septembre éditeur.
Limoges, J. et al.(2001). Stratégies de maintien au travail. Sainte-Foy : Septembre éditeur.
Limoges, J. et Doyon, D. (sous presse). Pour bien accompagner le maintien professionnel selon les tiers de carrière, mieux vaut ratisser large afin de ne pas manquer la cible. In J.-P Boutinet et G. Pineau (dir.), Le travail des paradoxes dans l'accompagnement.
Limoges, J. (2004). Plan et Devis; guide du participant. Sherbrooke, GGC éditions.
Limoges, J. Lampron, C. et Séguin C. (2004). Bien se maintenir en orbite autour du travail; guide d'animation. Sherbrooke, GGC editions.
Limoges, J. (2004). Pour un troisième tiers de carrière porteur de vie. Vade Mecum. Sherbrooke, GGC editions.
Limoges, J., Lampron, C.,Côté, C., Doyon, D. 2006. Mi-tien. Sherbrooke, GGC éditions.
Maslach, C., & Leiter, M. (1997). The truth about burnout, how organizations cause personal stress and what to do about it. Jossey-Bass Publishers. San Francisco.

Article dans un périodique :
Blais, M., Lachance, L., Vallerand, J.R., Brière, M.N. et Riddle, S.A. (1993). L'inventaire des motivations au travail de Blais. Revue québécoise de psychologie, 14(3), 185- 215.
Gmelch, W. H. (1983). Stress for success: How to optimize your performance. Theory into Practice, 20(1), 8-14.
Diener, E., Suh, E.M., Lucas, R.E.,& Oishi,S, (1999). Value as a moderator in Subjective Well-being. Journal of Personality, 67:1, 157-184.
Diener, E., Suh,E.M., Lucas, R.E.,& Smith,H., (1999). Subjective well-being : Three decades of progress. Psychological Bulletin, 125, 276-302.
Diener, E.,Seligman, M., (2002). Very happy people. Psychological science, 13/1, 81-84.
Maslach, C., (2003). Job burnout : New directions in Research and Intervention. Psychological Science, 12 (5), 189-192
Oishi, S., Diener, E., (2001). Re-Examining the Général Positivity Model of Subjective Well-Being. Journal of Personality, 69:4, 641-666
Ryan, Deci (2001). A review of research on hedonic and eudaimic well-being. Annual review of psychology, 52, 141-166.
Seligman, M.E.P.& Csikszentmihalyi, M. (2000). Positive psychology : An introduction. American Psychologist, 35, 5-14.
Seligman, M.E.P, Steen, T.A, Park, N; Peterson, C. (2005). Positive Psychology Progress. Empirical Validation of Interventions. American Psychologist, 60, 410-421.
Warr, P., (1990). Decision latitude, job demands, and employee well-being. Work and stress, 4, 285-94.
Warr, P; (1994). A conceptual framework for the study of work and mental health. Work and Stress, 8 (2), 84-97.
Warr, P; (1998). Well-being and the Workplace, Journal of applied Psychology, 83, 392-412. Williams, P.C. et Savickas, L.M. (1990). Developmental tasks of career maintenance. Journal of Vocational Behavior, 36(2), 166-175.

Actes de congrès :
Limoges, J. (2001). A l'école, au travail ou en leur absence, accompagner le maintien. Dans L'orientation, contraintes et libertés, 50ième anniversaire, Congrès l'AIOSP, Paris, septembre 2001
Doyon,D., Lamarche,L.& Limoges, J., (2002). Le maintien : un nouveau paradigme de gestion de carrière. In Développement des compétences, investissement professionnel et bien-être des personnes. 2. Louvain-La-Neuve : PUL. 387-393.
Limoges, J. et Doyon, D. (2005). L'accompagnement du maintien selon les tiers de carrière. Carreer in context : New challenges and tasks for guidance and counseling. Actes du congrès (CD). Lisbonne : AIOSP.
Limoges, J. (2003). Carriérologie, transmissions et accompagnement. Conférence disponible sur CD. Fontevraud, L'accompagnement et ses paradoxes : questions aux praticiens, aux scientifiques et aux politiques. Actes du colloque international de Fontevraud.

Document inédit :
Caron, Z. (1999). Les stratégies favorisant le maintien professionnel. Mémoire de maîtrise inédit, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec, Canada.
Lamarche, L. (2006). Validation d'un instrument visant à évaluer le maintien professionnel. Thèse de doctorat inédite, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec, Canada.
Langouche, M. (2004). Une approche de bien-être au travail : les états de maintien au travail. Mémoire de maîtrise inédit, Université catholique de Louvain, Louvain-La-Neuve, Belgique.

 

Maintien professionnel et mieux-être psychosocial

Interactionnisme, constructivisme
Muriel LANGOUCHE

Résumé
Permettre à chacun d'optimaliser sa vie au travail est un bel enjeu pour un psychologue du travail praticien mais de quels leviers dispose-t-il ? La recherche dans le domaine du bien-être au travail confirme que les facteurs en jeux sont nombreux mais comment s'articulent-ils et avec quels effets ?

Nous appuyant sur le modèle théorique du bien-être psychosocial au travail de Warr (1999) qui considère deux dimensions indépendantes de sentiments, le plaisir et l'éveil, et sur les travaux de Diener, Seligman et Csikszentmihaly (2000) et de Maslach (2003), nous montrons en quoi l'opérationnalisation du modèle du maintien professionnel (Limoges, 2001) est vecteur de mieux-être psychosocial au travail.

Dès 2000, Diener, Seligman et Csikszentmihaly rompent avec l'emphase pathologique de la psychologie classique en focalisant leurs recherches sur l'étude du bien-être et des stratégies mises en place par les sujets heureux. Ce courant, qualifié de psychologie positive, permet de dégager une caractéristique essentielle du bien-être : sa subjectivité. Dans le même temps, Leiter et Maslach (2001) définissent un continuum tri-dimensionnel alliant énergie, implication et efficacité. Maslach (2003) encourage alors l'étude de l'antithèse positive de l'épuisement professionnel qu'elle nomme job engagement. Elle estime plus efficace de construire cet engagement que de tenter de réduire l'épuisement professionnel. Enfin, comme Maslach (2003), nous relevons qu'un thème récurrent dans la littérature concerne les relations entre le travailleur et son environnement de travail.

C'est dans cette perspective positive, constructiviste et interactionniste que s'inscrit pour nous le modèle du maintien professionnel de Limoges (2001). Il consiste en un ensemble de stratégies permettant à un travailleur d'éviter épuisement professionnel et obsolescence. Sur le marché du travail, les nombreuses interactions en jeu réfutent toute idée d'un état statique ou d'un équilibre assuré une fois pour toutes. L'aspect dynamique du modèle du maintien au travail reflète la non-permanence de cet équilibre. Pour Limoges (2001), il incombe autant au travailleur qu'à son environnement de permettre celui-ci et d'y être attentif.

Le modèle du maintien professionnel porte un éclairage nouveau sur la gestion de la vie au travail. Au niveau opérationnel, la validation et l'exploration des profils de maintien en lien avec la nouvelle taxinomie des stratégies de gestion de la vie au travail qui en découle ouvre une réelle perspective : si être bien au travail ne va pas de soi, mieux être au travail est possible. L'étude des stratégies de maintien au travail démontre que le maintien professionnel est proactif et éducable. Opérationnalisé et exploré pas à pas auprès de plusieurs groupes de travailleurs au Québec et en Belgique, l'accompagnement du maintien professionnel est devenu, pour la majorité d'entre eux, vecteur de mieux-être psychosocial au travail. Les recherches exploratoires en cours ouvrent la voie à de nouvelles recherches-action dédiées au bien-être psychosocial au travail.

I. Problématique
Pour toute organisation qui cherche à être productive, satisfaction, implication et motivation des travailleurs engendrent un avantage différentiel certain. Leur développement et leur maintien dans le temps préoccupent de nombreux gestionnaires de ressource humaine qui en appellent à la psychologie du travail.

Invité à intervenir auprès de travailleurs de tous âges, de tous domaines et de divers niveaux de qualification, le psychologue praticien fait face au défi d'opérationnaliser les avancées de la recherche scientifique et de les traduire en un langage rencontrant la réalité de chaque travailleur. Confronté au nombre et à la complexité des interactions entre les multiples facteurs en jeu, la pertinence de l'intervention du psychologue praticien réside dans sa capacité à donner à chacun la possibilité de mieux vivre son travail par l'appropriation de concepts et outils valides et vecteurs d'amélioration pérenne.

II. Le bien-être psychosocial au travail
Le bien-être en général se définit comme une sensation agréable procurée par la satisfaction de besoins physiques, l'absence de tensions psychologiques. Le mieux-être se définit comme l'amélioration du bien-être et introduit la notion de progrès.
Qu'en est-il lorsqu'il est spécifique au monde du travail ?
Dans une conception unidimensionnelle, le bien-être au travail est généralement assimilé à la satisfaction au travail. On distingue classiquement la satisfaction intrinsèque de la satisfaction extrinsèque (Warr, 1994). La satisfaction intrinsèque liée au travail couvre la satisfaction dont les caractéristiques sont inhérentes à la conduite du travail en lui-même : opportunité de se diriger soi-même, de mettre à profit ses propres capacités, importance de la variété des tâches, etc. La satisfaction extrinsèque liée au travail concerne les aspects du travail qui constituent l'arrière-plan des activités professionnelles, tels le revenu, les conditions de travail, la sécurité de l'emploi.

Lorsque l'on s'intéresse à la satisfaction générale au travail, c'est-à-dire à la mesure dans laquelle une personne se sent satisfaite par son travail en général, une seule et simple question peut être posée : « Tous paramètres confondus, dans quelle mesure pouvez-vous dire que votre travail vous apporte de la satisfaction ? ».

Depuis 1998, Warr envisage le bien-être selon une structure bidimensionnelle. Une telle structure a été utilisée et mise à l'épreuve lors de nombreuses études. Citons celles de Matthews, Jones et Chamberlain (1990), celles de Thayer (1989) et de Watson, Clark et Tellegen (1988) in Langouche (2004). Toutes ont souligné l'importance de deux dimensions indépendantes de sentiments.
Dans la figure 1, Warr (1998) propose une représentation du bien-être selon deux dimensions qu'il nomme plaisir et éveil, éveil dans le sens d'intérêt.

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Se penchant sur le bien-être spécifique au travail, cet auteur considère trois axes principaux
Le premier axe est l'axe du mécontentement-plaisir.
Le deuxième axe part de l'anxiété pour atteindre le confort.
Le troisième axe part de l'état de dépression pour atteindre l'enthousiasme.

Dans son modèle, il décrit le bien-être d'une personne en la situant :
par rapport à ces deux dimensions, représentant le contenu du sentiment
en termes d'éloignement par rapport au point central de la figure, une situation éloignée de ce point indiquant une plus forte intensité.

Etre positionné à l'extrémité de l'axe situé dans le haut du quadrant supérieur droit correspond, par exemple, à enthousiasme et motivation positive.

L'objectif du praticien est de donner les moyens à chaque travailleur d'entamer un processus de mieux-être, se rapprocher de ce quadrant et de s'y positionner et de s'y maintenir dans la durée, dynamique de bien-être.

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Par sa recherche, Warr (1998) confirme que les déterminants du bien-être psychosocial au travail sont nombreux (figure 2). Des facteurs environnementaux, des facteurs sociodémographiques et facteurs individuels interviennent, qu'ils soient spécifiques au travail ou indépendant de tout contexte. Ces déterminants étant en interaction les uns avec les autres, les processus sont complexes et les leviers et freins vers le mieux-être, pluriels.

III. Interactionnisme, psychologie positive et constructivisme

Le mieux-être se présentant dans un continuum reliant mal-être à bien-être, les nombreuses recherches consacrées au mal-être au travail peuvent aider, par sa compréhension, à s'en éloigner.

Ainsi, Leiter et Maslach (2001) envisagent l'épuisement professionnel comme une relation non productive avec le travail. Ces auteurs ne le considèrent plus comme un trouble clinique mais plutôt comme un point extrême sur un continuum tridimensionnel alliant énergie, implication et efficacité. Dans cette perspective, à une extrémité de ce continuum, une relation positive et constructive entre un employé et l'organisation qui l'emploie entraîne un état optimal d'énergie, d'implication et d'efficacité. Par contre, une relation négative provoquera épuisement, inefficacité et non implication. Maslach (2003) relève également qu'un thème récurrent dans la littérature concerne les relations entre le travailleur et l'environnement de travail. Elles sont souvent décrites en termes de déséquilibre.

Adopter un point de vue interactionniste nous en apprendra alors davantage qu'une approche envisageant les facteurs individuels ou environnementaux séparément.

Dans leur champ de recherche, Diener, Seligman et Csikszentmihaly (2000) rompent avec l'emphase pathologique de la psychologie classique en focalisant leurs recherches sur l'étude du bien-être et des stratégies mises en place par les sujets heureux. Ce courant, qualifié de psychologie positive, permet de dégager une caractéristique essentielle du bien-être : sa subjectivité. Le bien-être subjectif se définit comme l'évaluation cognitive de la vie par l'individu, la présence d'émotions positives et l'absence d'émotions négatives (Diener, Lucas, Oishi, Suh, 1999, p.157). Cette théorie souligne les influences dispositionelles, l'importance des stratégies d'adaptation, de fixation d'objectifs et de coping. Elle tente également d'appréhender les interactions entre les facteurs psychologiques et les circonstances de la vie dans la formation du bien-être subjectif. La psychologie positive, réflexion scientifique sur le fonctionnement humain optimal, valide aujourd'hui la marge d'action potentielle des interventions psychologiques (Seligman, Steen, Park, Peterson, 2005).

Maslach (2003) encourage également l'étude de l'antithèse positive de l'épuisement professionnel qu'elle nomme job engagement. Il est, en effet, plus efficace à son sens, d'agir à titre préventif en se préoccupant de la qualité de vie au travail et de construire ce job engagement que de tenter de réduire l'épuisement professionnel.

Dans le champ de la psychologie du travail, c'est dans cette perspective interactionniste, positive et constructiviste que s'inscrit pour nous le paradigme du maintien professionnel.

IV. Le paradigme du maintien professionnel

Le paradigme du maintien professionnel, opérationnalisé par Limoges (2001), consiste en un ensemble de stratégies permettant à un travailleur d'éviter à la fois épuisement professionnel et obsolescence.

Pour cet auteur, le paradoxe du travail est, en effet, le risque de tenir prise par excès, ce qui mène à l'épuisement, ou de lâcher prise par défaut, ce qui conduit à l'obsolescence.

Entre lâcher prise et tenir prise exacerbés existe une zone qualitative d'équilibre, dénommée maintien.

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